temps gris
- Le contraire du jeu
- 9 avr. 2021
- 1 min de lecture
Un lacis de gouttes perpétuelles
comme un réseau de fatigue universelle
oppresse la ville des nues à la rue.
Les flambois blancs de la lumière
Plus maigres s'effacent en l'opale de l'heure ;
les lourdes maisons pâlissent comme embues,
tel le front vieilli d'une femme sous le voile ;
des fileuses mélancoliques ourdissent une toile,
sur des papillons, aux vols de peur.
La pluie tombe triste et la lumière tremble.
Les pavés des rues prennent la couleur
de chairs lassées, aux faux triomphes de fard
trop blanches, trop tassées d'un éclat pâle,
comme une face humaine vieillie de douleurs
ternissant la chair autour du lent regard
ému de tant d'années de regret automnal
transparaît blafarde aux faces de la rue.
La pluie tombe triste et la lumière tremble.
La pluie tombe triste, lente comme la durée ;
heure à heure la vie s'égoutte en un canal
où seules glissent les barques lourdes de denrées ;
on sent trop que ces gens ne marchent que pour chercher
les ressources, et la source du rêve se tarit.
Un manteau d'ennui tombe aux épaules de Paris.
La pluie tombe triste et la lumière tremble.
Gustave Kahn, Le Livre d'images, 1897.

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