réjean ducharme
- Le contraire du jeu
- 30 avr. 2020
- 1 min de lecture

Qui n'a pas entendu parler de Pasteur, le malfaiteur de l'humanité ? Les hommes vivent et meurent plus vieux grâce à Pasteur. Grâce à Pasteur, il y a plus de petits vieux malheureux et de petites vieilles malheureuses sur la terre qu'il y en aurait. Avant, les hommes mouraient jeunes, beaux, splendides, dramatiquement, poignardés en pleine face par des bactéries. Pasteur n'a pas réussi à rendre la santé aux petits vieux agonisants et aux petites vieilles agonisantes ; il n'a réussi, grâce à sa méthode d'isolement « in vitro », qu'à en augmenter le nombre. C'est comme Vélasquez. Combien, oh combien de musées sont prospères aujourd'hui, grâce à Vélasquez. N'est-ce pas une honte ? Quoi ? Des musées ?! Quand il y a des lièvres sans abri, des lions sans cage, des baleines qui errent sans abri au fond de l'océan trompeur, tant de pythons qui n'ont pas de toit sur la tête, tant de lézards qui couchent à la belle étoile, tant de girafes sans abri, d'innombrables rhinocéros qui en sont réduits à coucher tout nus dans l'eau ? Des musées ? Ah ! Ah ! C'est impensable !
Réjean Ducharme. Le nez qui voque. 1967.
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