la fille de christophe colomb

Ceux qui veulent d'habitude la mettre en prison,

Sous prétexte qu'elle n'a pas de licence à montrer,

Semblent être des policiers des chaussées et des ponts.

Leur toilette est celle de tout bon limier routier.

Mais souvent les choses ne sont pas si claires.

Justement, l'un de ces soi-disant gendarmes vient.

Avant que le rhinocéros lui fasse son affaire,

Le lance comme un arc d'érable une flèche de sapin,

On va essayer de vérifier son authenticité.

Colombe lui fait accroire qu'elle se rend.

« J'ai donné ordre à mon rhinocéros de ne pas foncer.

J'ai fait assez de mal. A vos menottes, mes poings je tends. »

« Jeune fille, il est trop tard mais il est encore temps.

Vous n'ignorez pas que vous êtes passible de la chaise.

Ah ! Mes chefs seront bien contents !

Je suis fier de moi ! Je respire plus à l'aise ! »

Il se vante, se détend. Il se sent en sécurité.

C'est l'heure ! Pour l'aveugler, la libellule et les mouches

Se jettent dans ses yeux. On s'abat sur lui de tous côtés.

On le renverse, le frappe, le mord, le couche.

« Ferme ta gueule ! » Il crie, lié au sol.

Colombe lui enlève son uniforme vert caca,

Lui retire sa belle chemise, lui ôte sa jolie camisole.

Sur le torse poilu, lui la croix du syndicat des syndicats !

Réjean Ducharme, La Fille de Christophe Colomb, 1969.