PAVANE POUR UN ENFANT DÉFUNT
- Le contraire du jeu
- 7 sept. 2021
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 28 nov. 2022
A mi tía Margot
Se diría que estás aún en la balaustrada del balcón
mirando a nadie llorando
Se diría que eres aún como siempre
que eres aún en la tierra un niño difunto.
Se diría, se arriesga
el poema por alguien
como un disparo de pistola,
en la noche, en la noche sembrada
de ojos desiertos, de ojos solos
de monstruos. Todos nosotros somos
niños muertos, clavados a la balaustrada como por encanto,
a la balaustrada frágil del balcón de la infancia, esperando
como sólo saben esperar los muertos.
Se diría que has muerto y eres alguien por fin,
un retrato en la pared de los muertos,
un retrato de cumpleaños con velas para los muertos.
Pero a nadie le importan los niños, los muertos,
a nadie los niños que viajan solos por el país de los muertos,
y para qué, te dices, abrir los ojos al país de los ciegos, abrir los ojos hoy,
mañana, para siempre. Era mejor Oeste, tierras vírgenes, héroes en los ojos
de un cine desesperado, y los dioses que matan a los hombres feroces,
los dioses más feroces que los hombres
los dioses crueles de la infancia, les dioses
de la inocente crueldad, pensabas, que se alimenta de ciegos
y de quienes mendigan su ser en una picaresca sórdida,
si hombres hay, homicida. Pero aventura no hay, lo sabes,
más que por alguien, para alguien, como un poema,
como el riesgo de un vuelo en el aire sin tránsito. Y es por ello
por lo que nadie podría jamás sospechar que conservas esa
belleza demente de la infancia, ese furor contra lo útil de tu cuerpo,
y esa mudez en los ojos, esa belleza
sólo vendible al suelo del suicidio, sólo a esos ojos : esa existencia.
Pero la vida sigue y te arrastras como ella,
la vida sigue como el puente de Eliot,
como un puente de muertos o un flujo
de sombras que se cogen
de la mano ciega en el lado para saber que están muertos y viven. Esa vida de que hablan
en el infierno, entre sí los muertos, los alucinados, los absurdos,
lors orgullosos sonámbulos disputando con sangre
una certeza alucinante; es un fuerte dios pardo.
Una basta tragedia que hacen
por navidades, los viejecitos, los difuntos,
con personas de olvido, con máscaras y ritos de otros tiempos,
rótulos de neón y fuegos fatuos : así obra desde entonces,
desde entonces, esa raza
misteriosa que pasa a tu lado sin mirarte o mirarse,
desde entonces, desde el día primero
en que te asomaste con pánico a su delirio. Desde que viven, quizá,
desde que no hay tiempo sino destino y trazo
de vida invulnerable a la decisión de una mirada fuerte.
Quien es visto o quien cae en ese río sordo
es lo mismo, es un muerto
que se levanta día tras día para
mendigar la mirada.
Porque todos llevamos dentro un niño muerto, llorando,
que espera también esta mañana, esta tarde como siempre
festejar con los Otros, los invisibles, los lejanos
algún día por fin su cumpleaños.
Leopoldo Maria Panero, Agujero llamado Nevermore (selección poética, 1968-1992). Cátedra, 1992.
§
PAVANE POUR UN ENFANT DÉFUNT*
A ma tante Margot
On dirait que tu es encore sur la balustrade du balcon
à pleurer en ne regardant personne
On dirait que tu es encore comme toujours
que tu es encore sur la terre un enfant défunt.
On dirait, le poème se hasarde
vers quelqu'un
comme un coup de feu,
dans la nuit, dans la nuit semée
d’yeux déserts, d’yeux solitaires de monstres. Nous sommes tous nous autres
des enfants morts, cloués sur la balustrade comme par enchantement,
à la fragile balustrade du balcon de l’enfance, en attendant
comme seuls savent attendre les morts.
On dirait que tu es mort et que tu es enfin quelqu’un,
un portrait sur le mur des morts,
un portrait d’anniversaire avec des bougies pour les morts.
Mais tout le monde se moque des enfants, des morts,
tout le monde des enfants qui voyagent seuls au pays des morts,
et pour quelle raison, dis-tu, ouvrir les yeux au pays des aveugles, ouvrir aujourd’hui les yeux,
demain, pour toujours. C’était mieux l’Ouest, les terres vierges, les héros à travers les yeux
d’un cinéma désespéré, et les dieux qui tuent les hommes féroces,
les dieux plus féroces que les hommes
les dieux cruels de l’enfance, les dieux
de l’innocente cruauté, pensais-tu, qui se nourrit d’aveugles
et de ceux qui mendient leur être, s’il y a des hommes,
en un sordide homicide picaresque. Mais d’aventure il n’y en a, le sais-tu,
que par quelqu’un, pour quelqu’un, comme un poème,
comme la menace en l'air d’un vol sans étape. Et c’est pour cela
pour ce que personne ne pourrait jamais soupçonner que tu conserves cette
beauté de l’enfance, cette fureur contre l'emploi de ton corps,
et ce mutisme dans les yeux, cette beauté
seulement vendable au ciel du suicide, seulement à ces yeux : cette existence.
Mais la vie continue et tu te traînes comme elle,
la vie suit son cours comme sous le pont d’Eliot,
comme un pont de morts ou un flux
d’ombres qui s'attrapent au côté
d'une main aveugle pour éprouver qu’ils sont morts et vivent. Cette vie dont parlent
entre eux les morts en enfer, les hallucinés, les absurdes,
les orgueilleux somnambules qui se disputent dans le sang
une hallucinante certitude, est une puissante et sombre divinité.
Une misérable tragédie célébrée
à Noël, par des petits vieux et des défunts,
avec des personnes oubliées, des masques et des rituels d’autres temps,
des enseignes de néons et des feux-follets : ainsi opère depuis lors,
depuis lors cette race
mystérieuse qui te frôle sans te regarder ni se regarder,
depuis lors, depuis le premier jour
où tu t’es penché avec effroi sur son délire. Depuis qu’ils vivent, peut-être,
depuis qu’il n’y a plus de temps mais un destin,
un trait de vie indemne d'un regard décisif.
Qui est vu ou qui tombe dans ce fleuve sourd
est pareil, est un mort
qui se lève jour après jour pour
mendier le regard.
Car nous portons tous en nous-mêmes un enfant mort, et qui pleure,
et qui attend de fêter un jour enfin ce matin ou bien ce soir avec les Autres, les invisibles, les lointains
son anniversaire.
*en français dans le texte.
Trad. J-R Prieto.

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