palais de glace
- Le contraire du jeu
- 27 mai 2020
- 2 min de lecture
Les lecteurs de « Palais de glace » se reconnaissent à ce sens du secret que leur a inoculé le livre même, et qui leur intime de n'en rien dévoiler. Très peu de commentaires si ce n'est cet air désemparé de ceux qui ont traversé une épreuve dont ils ne sont pas sortis indemnes.
Il y a un certain tabou à ne pas dévoiler le récit et le dénouement de « Palais de glace ». Et c'est justement ce que je propose d'enfreindre.
C'est l'histoire en Norvège, dans un village, de l'amitié élective fulgurante, de l'amour sublime qui surgit entre deux petites filles de onze ans, l'espace d'une soirée, comme un véritable ébranlement de tout l'être. Cet amour absorbe tout, devient promesse sans lendemain, une promesse devant laquelle tout s'effondre, comme s'effondrera ce merveilleux « palais de glace » au printemps, qui s'est formé autour d'une cascade et qui la surplombe, sur le cours d'une rivière qui alimente un lac gelé. Ce « palais de glace » est un labyrinthe qui égare la petite Unn, un être hors du commun, à la façon d'un bloc d'absolu dont on ne ressort pas, d'une beauté menaçante, un piège fascinant qui donne à ceux qui l'ont affronté ce regard perdu. Car l'homme restera un étranger pour l'homme à travers cette expérience, et c'est cette étrangeté à laquelle la communauté reste confrontée. Toute recherche est vaine. Il n'y a pas d'issue. Et la communauté humaine reste impuissante.
A certains moment de la lecture, le sujet se perd à travers la fièvre et le rêve :
« Il neige et il neige,
Sur des ponts silencieux,
Des ponts que les autres ignorent. »
Je ne connais pas de livre plus profondément troublant. On ne peut raisonnablement pas en conseiller la lecture.
Tarjei Vesaas (1897-1970) est un poète norvégien qui a aussi écrit quelques romans, comme ses grands aînés, Knut Hamsun et Pär Lagerkvist.
Jean-Raphaël Prieto. 27/05/2020.

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