marcel schwob
- Le contraire du jeu
- 19 mai 2020
- 1 min de lecture
Dernière mise à jour : 29 mars 2023
[…]
Et Monelle dit encore :
En ce jour une petite femme te touchera de la main et s'enfuira ;
Parce que toutes choses sont fugitives ; mais Monelle est la plus fugitive.
Et, avant que tu me retrouves, je t'enseignerai dans cette plaine, et tu écriras le livre de Monelle.
Et Monelle me tendit une férule creusée où brûlait un filament rose.
- Prends cette torche, dit-elle, et brûle. Brûle tout sur la terre et au ciel. Et brise la férule et éteins-la quand tu auras brûlé, car rien ne doit être transmis ;
Afin que tu sois le second narthécophore et que tu détruises par le feu et que le feu descendu du ciel remonte au ciel.
Et Monelle dit encore : Je te parlerai de la destruction.
Voici la parole : Détruis, détruis, détruis. Détruis en toi-même, détruis autour de toi. Fais de la place pour ton âme et pour les autres âmes.
Détruis tout bien et tout mal. Les décombres sont semblables.
Détruis les anciennes habitations d'hommes et les anciennes habitations d'âmes ; les choses mortes sont des miroirs qui déforment.
Détruis, car toute création vient de la destruction.
Et pour la bonté supérieure il faut anéantir la bonté inférieure. Et ainsi le nouveau bien paraît saturé de mal.
Et pour imaginer un nouvel art, il faut briser l'art ancien. Et ainsi l'art nouveau semble une sorte d'iconoclastie.
Car toute construction est faite de débris, et rien n'est nouveau en ce monde que les formes.
Mais il faut détruire les formes.
Marcel Schwob, Le Livre de Monelle, 1895.

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