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  • Photo du rédacteur: Le contraire du jeu
    Le contraire du jeu
  • 14 mars 2021
  • 1 min de lecture

Pauvre faune qui va mourir,

Reflète-moi dans tes prunelles

Et fais danser mon souvenir

Entre les ombres éternelles.


Va, et dis à ces morts pensifs

À qui mes jeux auraient su plaire,

Que je rêve d'eux sous les ifs

Où je passe petite et claire.


Tu leur diras l'air de mon front

Et ses bandelettes de laine,

Ma bouche étroite et mes doigts ronds

Qui sentent l'herbe et le troène,


Tu diras mes gestes légers

Qui se déplacent comme l'ombre

Que balancent dans les vergers

Les feuilles vives et sans nombre,


Tu leur diras que j'ai souvent

Les paupières lasses et lentes,

Qu'au soir je danse et que le vent

Dérange ma robe traînante.


Tu leur diras que je m'endors,

Mes bras nus pliés sous ma tête,

Que ma chair est comme de l'or

Autour de mes veines violettes ;


Dis-leur comme ils sont doux à voir,

Mes cheveux bleus comme des prunes,

Mes pieds pareils à des miroirs

Et mes deux yeux couleur de lune.


Et dis-leur que dans les soirs lourds,

Couchée au bord frais des fontaines,

J'eus le désir de leurs amours

Et j'ai pressé leurs ombres vaines...

Anna de Noailles, Le cœur innombrable, 1901.


Portrait de la comtesse de Noailles (1913), Ignacio Zuloaga.


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