hymne à la nuit
- Le contraire du jeu
- 12 mars 2021
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Le mystère des nuits exalte les cœurs chastes !
Ils y sentent s'ouvrir comme un embrassement
Qui, dans l'éternité de ses caresses vastes,
Comble tous les désirs, dompte chaque tourment.
Le parfum de la nuit enivre le cœur tendre !
La fleur qu'on ne voit pas a des baumes plus forts...
Tout sens est confondu : l'odorat croit entendre !
Aux inutiles yeux tous les contours sont morts.
L'opacité des nuits attire le cœur morne !
Il y sent l'appeler l'affinité du deuil ;
Et le regard se roule aux épaisseurs sans borne
Des ombres, mieux qu'aux cieux où toujours veille un œil !
Le silence des nuits panse l'âme blessée !
Des philtres sont penchés des calices émus ;
Et vers les abandons de l'amour délaissée
D'invisibles baisers lentement se sont mus.
Pleurez dans ce repli de la nuit invitante,
Vous que la Pudeur fière a voués au cil sec,
Vous que nul bras ami ne soutient et ne tente
Pour l'aveu des secrets... – Pleurez ! Pleurez avec.
Avec l'étoile d'or que sa douceur argente,
Mais qui veut bien, là-bas, laisser ce coin obscur,
Afin que l’œil tari d'y sangloter s'enchante
Dans un pan du manteau qui le cache à l'azur !
Robert de Montesquiou, Les Chauves-souris, 1892.

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