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folie

  • Photo du rédacteur: Le contraire du jeu
    Le contraire du jeu
  • 13 avr. 2021
  • 1 min de lecture

J'ai perdu ma raison dans une cité vieille

Où l'on entend le bruit fin des rouets, la nuit ;

Le gardien des drapeaux, droit sur les remparts, veille

Sur la plaine et le port, où nul fanal ne luit.


Une eau très lente y berce le sommeil des cygnes

Au pied de l'escalier du palais des Infants,

Où des vieillards ployés sous d'antiques insignes

Disent aux futurs rois le mensonge des ans.


Sur la tour de l'horloge on voit, l'une après l'une,

Servantes de chaque heure et de l'éternité,

Des reines élevant des coupes à la lune,

Mourantes et semblant lasses d'avoir été.


Parfois, rappel des temps de prière, une cloche

Puis deux sonnent au cœur d'invisibles beffrois ;

Mais nul ne peut me dire si l'église est proche

Où le sauveur m'appelle avec tous à sa croix.


Et c'est surtout, partout, sur le rouet des vierges,

Qui travaillent au fond des anciennes maisons,

Dans leurs alcôves d'or où clignotent des cierges,

Le froissement du lin des futures saisons.


Et je vais, me heurtant le front à chaque porte,

Voulant saisir un fil qui s'échappe à mes mains.

Qu'importe si l'on rit ? Ma raison n'est pas morte

Quand j'entends les rouets chantant les lendemains.

Stuart Merrill, Le jeu des épées, 1897.


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