top of page

essénine

  • Photo du rédacteur: Le contraire du jeu
    Le contraire du jeu
  • 21 déc. 2020
  • 1 min de lecture

Monde mystérieux, mon vieux monde,

Tel un vent rassis tu t'éloignes.

Les mains pierreuses de la route

Serrent le cou de ma campagne.


Au fond de la blancheur neigeuse

On sent se démener l'effroi.

Bonjour, ma mort noire, voici

Que je viens au-devant de toi !


Tu nous as baptisés « charogne »,

Ô ville, en un combat hargneux.

Étranglé par ton télégraphe,

Le champ est triste comme un bœuf.


Pour les cous noueux, diaboliques,

Le chemin de fonte est béni.

Mais qu'importe ? Cent fois déjà

On nous a démembrés, occis.


Au cœur, pourtant, elle est cuisante,

Cette chanson des droits bestiaux !

… Les chasseurs ainsi traquent un loup,

En le prenant dans un étau.


Le fauve est figé, et dans l'ombre

Quelqu'un appuie sur la détente...

Soudain, un bond... Les crocs déchirent

Le féroce ennemi à deux jambes.


Je te salue, loup mon ami !

Face au couteau tu restes fier.

Chassé comme toi de partout,

Je côtoie mes ennemis de fer.


Comme toi je suis toujours prêt ;

Bien que le cor triomphe et crie,

Mon dernier bond, mon saut mortel

Ira goûter au sang ennemi.


Enfoui dans la blancheur friable,

Qu'importe que je tombe alors...

Un chant montera de l'autre rive

Pour venger et laver ma mort.


1921.


Sergueï Essénine, L'Homme noir. Les éditions Circé, 2005. Traduit par Henri Abril.


Comments


Contact

© 2020 Jean-Raphaël Prieto.

Merci pour votre envoi !

bottom of page