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essénine

  • Photo du rédacteur: Le contraire du jeu
    Le contraire du jeu
  • 20 déc. 2020
  • 1 min de lecture

Très tôt une estampille est prête

À désigner chaque vivant.

Si je n'étais pas un poète,

Je serais sans doute voleur, truand.


Petit de taille et maigrichon,

J'étais brave parmi les gosses,

Rentrant souvent à la maison

Le nez en sang, couvert de bosses.


Devant l'air effrayé de mère,

Entre les dents je balbutie :

« C'est rien ! Juste buté contre une pierre,

Demain matin ça s'ra guéri ! »


Maintenant que l'effervescence

De ce temps-là n'est plus la même,

La force inquiète et insolente

S'est déversée dans mes poèmes.


Malgré le tas de mots dorés,

Dans chaque vers on voit sans fin

Resurgir l'intrépidité

Du bagarreur et du vaurien.


Brave et fier je le suis resté,

Mais mon pied foule un nouveau champ...

Autrefois on cognait mon nez,

Aujourd'hui mon âme est en sang.


Et je ne dis plus à ma mère,

Mais à la canaille qui rit :

« C'est rien ! Juste buté contre une pierre,

Demain matin ça s'ra guéri ! »


Février 1922.


Sergueï Essénine, L'Homme noir. Les éditions Circé, 2005. Traduit par Henri Abril.


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