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chemin courant, branche morte

  • Photo du rédacteur: Le contraire du jeu
    Le contraire du jeu
  • 20 août 2022
  • 2 min de lecture

LA DÉFAVEUR


Un bel endroit

les étoiles végètent sans excès

dans la panse d'un univers gavé :

Une salle des pendus


Le ciel

renversé au levier des proportions

gonflé de vents,

une nouvelle dimension

assaille le repos des bienheureux

Ils quittent cette terre

qui ne fut jamais vraiment la leur,

dans leurs filets à papillons

ils capturent une foule de raisons

totalement inconnues


De profondes ravines

nées de l'infiltration des eaux de pluie

creusent le sol


Après une tempête

la nature reprend vite ses droits,

la solitude se referme

avec le jugement du fou

sur les épaules de la douleur

La bouche pleine

elle ferme les paupières

et presse ses yeux contre la voûte de son palais

pour mieux faire passer

son repas de citoyen


Il n'y a pas à envier

les marées de fiel de l'honneur

ni les beaux yeux de la séduction

Derrière la lame

aux reflets de jambes

la pierre

aux reflets de seins

l'herbe

aux reflets de croupes déferlantes

la cime des arbres

aux reflets de clins d'œil :

les branches tiennent à la fois de lieu de refuge

et de poste de guet


Le même lieu, un an et demi plus tard

seulement débarrassé de ses troncs abattus :

la nausée du jour parfait

et la force

qui nous invente

à chaque pas

un rocher

à basculer

sur le bonheur.


Jean-Raphaël Prieto, Chemin courant, branche morte, 2018.



*


CHEMIN COURANT, BRANCHE MORTE est publié en Juillet 2018 dans la "Collection de l'umbo" et illustré d'un frontispice de Jean-Pierre Paraggio entre autres "culs de lampe".


Une notice devait figurer dans le recueil, que je supprimai au dernier moment, la jugeant trop personnelle :


Deux ans avant que je ne voie la lumière, ma mère donna naissance à un enfant qui mourut peu de temps après. Elle en fut profondément accablée et marquée pour la vie. Le traumatisme était tangible dès que j'abordais – rarement et exceptionnellement, avec toutes les précautions possibles, le sujet. Je portai le même prénom que Lui. Je n'étais pas de taille face à cet aîné dont l'accomplissement existentiel était hors de portée. Je l'imaginais grand et parfait ; j'en fis un héros. Cette ombre était celle d'une réalisation insurpassable.


Il y a quelques années de cela, je fis un rêve qui me laissa songeur : j'avançais sur un sentier de forêt dense et sauvage. Tout à coup une branche d'arbre imposante me barrait la route ; sa présence plongeait dans l'ombre tout le reste du chemin. Le temps de me demander si je devais la contourner ou bien l'enjamber je m'éveillai.

Quelque temps plus tard, je découvris en lisant une anthologie de contes et mythes des indiens d'Amérique du Sud dont j'ai oublié le titre, un texte d'oniromancie chamanique qui me laissa confondu. Il révélait la chose suivante : lorsque dans notre rêve nous marchons sur un sentier dans une forêt profonde et qu'un obstacle nous barre la route, si nous nous réveillons c'est que nous sommes vivants, si nous franchissons cet obstacle c'est que nous sommes morts.

Une fois de plus j'étais donc vivant, et je reléguais mon aîné dans l'ombre perpétuelle et définitive, lui qui aurait toujours une longueur d'avance sur moi.




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