vues

Vues

Les médias s'étaient déjà fait une spécialité de donner une existence significative à des événements qui n'en avaient pas, et à atténuer voire à gommer entièrement et intentionnellement les événements qui en avaient ; maintenant l'événement, ou bien le non-événement, prend tout son sens grâce aux « réseaux sociaux » (l'appellation est plaisante étant donné la virtualité, l'absence totale de contacts réels et justement de liens sociaux entre ces « acteurs » non-agissants) et ceci en fonction du nombre de « vues » !

Si le trou de mon cul et la pose appropriée obtiennent plusieurs milliers de vues, alors le trou de mon cul et la pose appropriée sont un événement.

Un autre moyen est trouvé de faire participer le troupeau tout entier à sa propre crétinisation. Le consommateur d'images devient l'artisan et le spectateur de sa propre aliénation dans l'illusion de son intervention : c'est la démocratie réalisée. Si j'ai VU ce qu'on me montre et ce qu'on me représente, alors ce mirage existe, je lui accorde un statut de RÉALITÉ qui s'impose à nous tous. Je deviens le témoin de mon choix et je rends tout le monde témoin du mien, tous me rendent témoin du leur, et nos volontés sont dissoutes dans un néant affiché, volontaire, « participatif » et porteur de preuves puisque j'en incarne moi-même la preuve !

Une extension de ce phénomène réside aussi dans le processus d'auto-vedettarisation ou bien de vedettarisation réciproque à l'œuvre dans certains réseaux - en quelque sorte une mondanité étendue. Nos désirs, nos besoins, nos goûts, nos choix, mis en scène de manière « démocratique », c'est à dire à la portée de tous dans les plus basses acceptions du besoin pathologique de reconnaissance, sont décontextualisés, virtualisés, parce que représentés.

Notre vie comme objet de contemplation a définitivement intégré la réalité économique et marchande, le spectaculaire politique et culturel…

J-R. Prieto.