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mode morale d'une société marchande

  • Photo du rédacteur: Le contraire du jeu
    Le contraire du jeu
  • 15 mai 2020
  • 2 min de lecture

Dernière mise à jour : 29 mars 2023

Mode morale d'une société marchande.


Derrière le principe de l'actuelle mode morale : « les actions morales sont les actions de sympathie pour les autres », je discerne la puissance de l'instinct social de poltronnerie qui revêt ce déguisement intellectuel : cet instinct réclame, comme le but suprême, majeur, immédiat, que l'on enlève à la vie tous les aspects dangereux qu'elle possédait autrefois, et que chacun travaille de toutes ses forces pour ce résultat : c'est pourquoi seules les actions qui visent à renforcer la sécurité collective et le sentiment de sécurité de la société peuvent recevoir le prédicat « bon » ! – Comme il faut que les hommes prennent aujourd'hui peu de plaisir à eux-mêmes pour qu'une telle tyrannie de la poltronnerie leur prescrive la loi morale suprême, pour qu'ils se laissent ainsi enjoindre sans contestation de lever ou de détourner le regard de leur propre personne et d'avoir des yeux de lynx pour toute détresse, toute souffrance qui s'offre ailleurs ! Avec un aussi monstrueux dessein de raboter toutes les aspérités et tous les angles de la vie, ne prenons-nous pas le plus court chemin pour transformer l'humanité en sable ? En sable ! Un sable fin, doux, rond, infini ! Est-ce là votre idéal, ô héros des affections sympathiques ? – En attendant, il n'existe toujours pas de réponse à la question même de savoir si l'on est plus utile à autrui en venant toujours immédiatement à son secours et en l'aidant – ce qui ne peut pourtant se faire que très superficiellement, à moins de devenir volonté tyrannique d'empiétement et de modification – ou en se formant soi-même pour devenir quelque chose qu'autrui voit avec plaisir, par exemple un beau jardin tranquille et fermé sur lui-même, avec de hautes murailles contre les tempêtes et la poussière des grandes routes, mais avec aussi une porte accueillante.


Friedrich Nietzsche, Aurore. Traduit par Julien Hervier.


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