les droits du suffrage universel
- Le contraire du jeu
- 2 févr. 2021
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Dernière mise à jour : 16 avr. 2023
Le peuple ne s'est pas donné le suffrage universel, il l'a reçu, partout où il est maintenant en vigueur, et provisoirement accepté ; il a en tout cas le droit de le rétrocéder s'il ne satisfait pas son attente. C'est ce qui semble actuellement être le cas en tous lieux ; car, lorsque ne vont aux urnes, à telle occasion où il est utilisé, que les deux tiers à peine, et peut-être même pas la majorité de tous les inscrits, c'est en somme un vote CONTRE le système électoral tout entier. – Il faut même, ici, juger plus rigoureusement encore. Une loi qui stipule que la majorité décidera en ressort de la prospérité de tous, ne peut pas reposer sur la même base qui n'est donnée que par cette loi elle-même : il lui en faut nécessairement une plus large, et c'est l'UNANIMITÉ. Le suffrage universel ne doit pas être seulement l'expression d'une volonté de la majorité ; c'est tout le pays qui doit vouloir. Aussi, l'opposition d'une très petite minorité suffit-elle déjà à l'écarter comme impraticable ; et l'ABSTENTION lors d'un vote est précisément une telle opposition, qui ruine tout le système électoral. Le « veto absolu » de l'individu, ou, pour ne pas tomber dans la petitesse, le veto de quelques milliers d'électeurs, est suspendu sur ce système, et c'est la logique de la justice : à chaque usage que l'on en fait, il est obligé, selon le genre de la participation, de démontrer d'abord que son existence est encore fondée en droit.
Friedrich Nietzsche, Humain trop humain II, 1878. Traduit par Robert Rovini.

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