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le stade barbare

  • Photo du rédacteur: Le contraire du jeu
    Le contraire du jeu
  • 24 juil. 2020
  • 2 min de lecture

[…]Toutefois, et pour bien camper notre entreprise face à tous les lieux communs abondamment déversés à propos de sport, nous affirmerons d'abord que ce dernier n'est pas le phénomène de masse joyeux que l'on nous décrit trop souvent. Il est de même très éloigné de la démocratie vivante et directe que l'on imagine ; plutôt est-il l'anti-démocratie par excellence, le vecteur social le plus pernicieux de la lutte de tous contre tous au profit de quelques-uns. S'il fait participer les uns et les autres, c'est d'abord dans l'appauvrissement de la parole elle-même sans ne rien dire du discours : le stade n'est pas l'agora. Mieux encore, le sport dans le stade, et celui-ci retransmis à la télévision, réussit à rétracter les consciences de toute réflexion critique sur lui-même, cela va sans dire, mais plus loin sur la société, le stade étant d'ailleurs vécu – illusoirement – comme une contre-société. Le sport se caractérise enfin comme la tendance de fonder un rapport hégémonique, façonné sur la durée, entre l'homme (le spectateur et le sportif) et son corps médiatisé par une structure sociale à domination visuelle et sonore implacable. L'architecture moderne, de son côté, ne ressortit plus d'une organisation plastique faisant le lien – parfois subtil – entre l'homme et son milieu naturel : la nature est en voie de dépérissement et l'homme tente à tout prix de s'y étouffer. En son registre particulier, l'architecture revêt surtout les formes les plus creuses et les moins audacieuses sous le parement d'une technologie de pointe. Le stade en est la forme la plus achevée, issue de l'Antiquité, à la fois structure archaïque et postmoderne, c'est-à-dire la forme de la domination spatiale la plus insoutenable parce qu'étant la matérialisation effective d'une promesse de bonheur représentée ici bas par le sport.


Marc Perelman, Le stade barbare, la fureur du spectacle sportif. Éditions mille et une nuits, 1998.


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