Le professeur, mal nécessaire.

Le moins possible de personnes entre les esprits productifs et les esprits affamés et réceptifs ! Car les INTERMÉDIAIRES adultèrent presque automatiquement la nourriture qu'ils transmettent ; et puis, en récompense de leurs bons offices, ils réclament POUR EUX-MÊMES trop de choses, ainsi retirées aux esprits productifs, originaux, à savoir intérêt, admiration, temps, argent et le reste. – Donc, on regardera quoi qu'il en soit le PROFESSEUR comme un mal nécessaire, à l'instar du commerçant, comme un mal qu'il faut rendre le plus PETIT possible. – Si la misère des conditions de vie actuelles en Allemagne a sa raison principale, peut-être, dans le fait que beaucoup trop de gens y vivent du commerce, et veulent en vivre bien (qu'ils cherchent donc à diminuer autant que possible les prix payés au producteur et à les augmenter le plus possible pour le consommateur, afin de tirer bénéfice du plus grand détriment possible de l'un et de l'autre), on peut voir à coup sûr une raison capitale de notre misère intellectuelle dans la quantité excessive des professeurs : elle est cause que l'on apprend si peu et si mal.

F. Nietzsche, Humain, trop humain II. Traduit par Robert Rovini.