la passe
- Le contraire du jeu
- 27 juin 2020
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Dernière mise à jour : 4 avr. 2023
En ce qui concerne le mécanisme même de la passe, l'on constate que ce qui en fait sa saveur, c'est d'abord ce minime décalage grâce auquel la tangence complète – qui serait nécessairement catastrophique – est évitée : tout concourt à donner l'idée de cette tangence mais tout reste, en fin de compte, légèrement en deçà. En deçà dont on apprécie d'autant mieux l'infinitésimalité que l'homme se meut avec lenteur, comme s'il se proposait – outre la sérénité du rythme – d'instiller une à une au cœur du spectateur les affres engendrées par la vue d'un accident filmé au ralenti ou le mouvement d'un paquebot qui tangue et roule avec une mollesse écœurante. Et de cet en deçà – de cet hiatus ou mince faille, dont une lèvre serait l' « en deçà » et l'autre l' « au-delà » – naît la plus grande partie du plaisir, comparable à celui que procure la dissonance musicale, qui tire sa valeur émotive de l'existence d'une pareille marge, d'un pareil décalage lui conférant un caractère hybride, à mi-chemin de la norme géométrique et de sa destruction.
Michel Leiris, Miroir de la tauromachie,1937. Fata Morgana, 2013.

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