korczak contre la convention internationale des droits de l'enfant(2)
- Le contraire du jeu
- 27 nov. 2020
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Nous nous sommes enrichis. Nous ne récoltons plus les fruits de notre propre travail. Nous sommes des héritiers, des actionnaires, les copropriétaires de quelque immense fortune. Combien possédons-nous de villes, de bâtiments, d'usines, de mines, d'hôtels, de théâtres ? Les enfants, en revanche, vivent à l'étroit, ils étouffent. Leur vie est pauvre, ennuyeuse et austère.
Dressons un bilan général. Calculons ce qui revient à l'enfant, le pourcentage qu'il devrait toucher non par condescendance, non par charité, mais par justice. Vérifions concrètement quelles sommes nous consacrons aux besoins du peuple enfantin, de cette jeune nation, de cette classe asservie. À combien s'élève son patrimoine ? Ne l'avons-nous pas déshéritée, dépossédée, nous, ses tuteurs malhonnêtes ?
Nous avons institué un enseignement généralisé, nous avons contraint les enfants au travail intellectuel, nous avons mis en place le recensement et la conscription scolaires, et faisons porter aux enfants la lourde charge de concilier les intérêts parfois divergents de deux autorités parallèles.
Le service militaire prépare le conscrit à accomplir son devoir le moment venu. Or, l’État subvient à tous ses besoins : il le loge et le nourrit, lui donne un uniforme et un fusil. Sa solde lui revient de droit et n'est pas une aumône. Soumis à l'obligation d'aller à l'école, l'enfant, quant à lui, doit mendier auprès de ses parents ou de la commune.
[…]
L’École est sensée répondre aux besoins des jeunes citoyens. Mais qui mieux que l'enfant sait ce dont il a besoin ? Il est intelligent, il connaît les difficultés et les obstacles qu'il rencontre dans sa vie. Il faut mettre fin aux interdictions despotiques, aux règles strictes, insensées et inapplicables, à la surveillance soupçonneuse, à la bêtise malveillante, rétrograde et injurieuse des adultes.
[…]
L'enfant a un avenir, mais il a aussi un passé : des événements mémorables, des souvenirs, de nombreuses heures de réflexion solitaire sur des thèmes essentiels. Comme nous, il se souvient et oublie, apprécie et dédaigne, raisonne de manière logique et fait parfois fausse route. Il fait confiance, ou doute, de façon réfléchie. L'enfant est comme perdu dans un pays étranger dont il ignore la langue, les droits et les coutumes. Parfois, il préfère cheminer seul et, lorsqu'il rencontre des difficultés, il demande des renseignements et des conseils. Il a alors besoin d'un guide attentif pour répondre à ses questions.
Je réclame le respect pour son ignorance.
Le scélérat profitera de l'ignorance de l'étranger, il lui répondra de façon incompréhensible afin de l'induire en erreur. Le bourru, lui, marmonnera sa réponse à contrecœur. C'est exactement ce que nous faisons lorsque nous aboyons contre les enfants, que nous nous querellons avec eux, que nous les réprimandons, les sermonnons, les punissons. Les connaissances de l'enfant seraient atrocement misérables s'il ne les puisait pas auprès de ses camarades, s'il ne les écoutait pas en cachette, s'il ne les soustrayait pas aux conversations des adultes.
[…]
Les enfants braillent, geignent, pleurnichent, couinent... Voilà un bouquet d'expressions que le dictionnaire des adultes a sélectionné à l'adresse des plus petits.
En réalité, leurs larmes d'entêtement et de caprice sont les larmes de l'impuissance et de la révolte.
Janus Korczak, Le droit de l'enfant au respect. Éditions Fabert, 2009.

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