faire s'effondrer le pont
- Le contraire du jeu
- 13 juil. 2020
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[...]Ce pont de chemin de fer au-dessus de la Traun, vers lequel je levais les yeux, comme la chose pour moi la plus énorme de toutes, une chose naturellement beaucoup plus énorme que Dieu, dont toute ma vie je ne sus rien faire, le pont du chemin de fer était pour moi la chose suprême. Et c'était justement pour cela que j'avais spéculé sur la façon dont on pouvait faire s'effondrer cette chose suprême. Mon grand-père avait passé en revue devant moi toutes les possibilités de faire s'effondrer le pont. Avec un explosif on peut tout anéantir, à condition qu'on le veuille. En théorie, chaque jour j'anéantis tout, comprends-tu ? Disait-il. En théorie il était possible tous les jours et à tout instant désiré d'anéantir tout, de faire effondrer, d'effacer de la terre. Cette pensée, il la trouvait grandiose entre toutes. Moi-même je m'appropriai cette pensée et ma vie durant, je joue avec elle. Je tue quand je veux, je fais s'effondrer quand je veux, j'anéantis quand je veux. Mais la théorie est seulement théorie, disait mon grand-père, après quoi il allumait sa pipe.
Thomas Bernhard, Un enfant. Traduit par Albert Kohn.

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