ces différences de vie entre les enfants des diverses classes sociales
- Le contraire du jeu
- 17 oct. 2020
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[…] Ces différences de vie entre les enfants des diverses classes sociales se sont maintenues jusqu’à l’époque où les femmes ont obtenu le droit de vote, et même jusqu’à nos jours. Les enfants de la classe moyenne étaient une chose possédée et subissaient une distorsion de l’âme pire que celle qui est la nôtre aujourd’hui. Il en allait de même pour les femmes. Mais en contrepartie, elles bénéficiaient au moins d’une protection économique. Les enfants de la classe inférieure étaient exploités, non parce qu’ils étaient des enfants, mais d’une manière plus générale, parce qu’ils appartenaient à une classe d’exploités. Le mythe de l’enfance n'était pas dans leurs moyens. Là encore, nous voyons combien ce mythe était arbitraire, et qu’il avait été conçu tout exprès pour répondre aux besoins des structures familiales de la classe moyenne.
Certes, direz-vous, il aurait sûrement mieux valu pour les enfants de la classe laborieuse de vivre eux aussi à l’abri de ce mythe. Leur vie du moins aurait été épargnée. Ils auraient donc bien pu perdre leur vie spirituelle dans quelque pensionnat ou quelque bureau ? Une telle question est de pure rhétorique, et équivaut à se demander si les souffrances des Noirs d’Amérique sont authentiques sous prétexte que dans un autre pays ils seraient considérés comme riches. Souffrir, c’est toujours souffrir. Nous devrions plutôt penser en termes généraux : pourquoi les parents de ces enfants étaient-ils eux-mêmes exploités ; d’ailleurs, pourquoi faire travailler qui que ce soit dans une mine ? Ce qui devrait nous faire protester, ce n’est pas tant que les enfants soient exploités comme des adultes, mais bien plutôt que les adultes puissent être ainsi exploités. Ce dont il doit s’agir maintenant, ce n’est pas d’épargner aux enfants, pendant quelques années, les horreurs de la vie d’adulte, mais c’est d’éliminer ces horreurs. Dans une société sans exploitation, les enfants pourraient être comme les adultes et les adultes comme les enfants, sans aucune exploitation dans un sens ni dans l’autre. L’esclavage privilégié (protection) que subissent les femmes et les enfants n’est pas la liberté. Le pouvoir de se diriger soi-même est la base de toute liberté, et la dépendance est à l’origine de toute inégalité.
Shulamith Firestone, Pour l'abolition de l'enfance, traduit de l'américain par Sylvia Gleadow, Tahin Party, 2016.
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