armand robin
- Le contraire du jeu
- 5 nov. 2020
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Dernière mise à jour : 12 avr. 2023
Certes, ce serait du temps perdu de défendre les gouvernements contre les technocrates. On pourrait en être tenté cependant, comme naguère de défendre contre le constructeur de centrales hydrolélectriques l'enfant qui trouve plus agréable de faire jaillir du feu en frottant des silex. Puis les gouvernements avaient quelque chose de commun avec nos passions, nos aveuglements, nos versatilités, nos impulsivités ; ils commettaient des fautes, ce qui consolait chaque citoyen faible. Du moins ces derniers temps, il était bien évident qu'ils ne savaient plus comment s'y prendre, qu'ils étaient « dépassés ». Puis (ils seraient furieux de cette louange!) ils étaient malgré eux un tampon entre les distraits, les rêveurs, les amoureux, les poètes, les artistes, les religieux d'une part, les fanatiques d'une cérébralité inhumaine d'autre part. Enfin, ces gouvernements, on les connaissait, vaguement sans doute, tandis que ces maîtres nouveaux, on a le sentiment que les gouvernements craignent de les connaître, que par conséquent ils s'interposeront pour que nous ne les connaissions pas. Ce qui doit nous empêcher de défendre ces périmés que sont les gouvernements, c'est que leur abdication ne provient nullement d'une prise de conscience de la vanité de tout ce qui est Pouvoir, mais au contraire d'un réflexe servant à maintenir à tout prix le Pouvoir, fût-ce au prix d'un transfert à une autre forme de puissance. L'appétit de dominer, maintenant qu'il cesse d'être fortement à eux, ils ne le détruisent pas en eux par une purification courageuse, ils le délèguent à d'autres.
Armand Robin. La Fausse parole. Editions Le temps qu'il fait.

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